"- Veuillez patienter, le Professeur Michel va bientôt vous recevoir.
Cette grande infirmière blonde qui m'accueille dans la salle d'attente, c'est déjà le Professeur Michel. Alors que je m'assois près des revues people qui jonchent une table basse Ikéa, j'avise un homme qui lui aussi attend son tour. Cet homme svelte et à la longue chevelure blonde, c'est encore le Professeur Michel. Au bout d'une dizaine de minutes, une femme blonde entre, accompagnée d'un petit enfant blond qui me regarde en souriant. Cet enfant, c'est le Professeur Michel. D'ailleurs, sa maman elle-aussi est le Professeur Michel.
Légèrement gêné par cette abondance de Professeurs Michel, je prends une revue pour me donner une contenance. On y voit en couverture un acteur connu au bord de la piscine de son yacht. C'est le Professeur Michel. A son bras, une nymphette de télé-réalité, qui s'était illustrée par le fait qu'elle ne savait employer les verbes qu'à l'infinitif: le Professeur Michel. Première page, un édito du Professeur Michel sur la dernière allocution du président de la République, le Professeur Michel.
Soudain, la porte de la salle d'attente s'ouvre et le Professeur Michel se dresse et me dit: "c'est à vous, je crois". Dans ses mains, une seringue et un tuba-essai, dans lequel je crois voir flotter des dizaines de minuscules Professeurs Michel! Je panique, me lève, le bouscule et m'échappe par la porte d'entrée. Dehors, le soleil me frappe au visage. Je reste immobile le temps de retrouver la vue. Devant moi, de grandes dunes blondes balayées par le vent. Soudain, je me sens sortir de mon corps et prendre de la hauteur. J'aperçois au loin de grands flots blonds qui coulent vers ce qui m'apparaît être une bouche géante qui me sourit. Puis un menton. Mais... Ces dunes... Ce sont les muscles d'un ventre! Je suis sur le Professeur Michel!!! Des milliers de tubas-essais s'approchent maintenant en bataillons sur les dunes et jouent une fanfare joyeuse et tonitruante. Je... je...
Je me réveille. Face à moi, le Professeur Michel joue du tuba. Et c'est beau."